Soldes : L’urgence de réimaginer cette pratique économique

Depuis leur création par Simon Mannoury pour “Le Petit Saint-Thomas” en 1830, les soldes ont toujours suscité un engouement particulier auprès des consommateurs français. L’idée novatrice de proposer des réductions exceptionnelles sur une période limitée a rapidement trouvé un écho favorable, incitant de nombreux clients à attendre avec impatience ces moments privilégiés pour réaliser leurs achats.

L’enseigne, racheté et rebaptisée “Le Bon Marché” en 1852 par Aristide Boucicaut, auparavant salarié de Simon Mannoury, joua un rôle majeur dans la popularisation des soldes en France.

Boucicaut innova en introduisant des prix réduits pendant quelques jours, permettant ainsi aux clients d’accéder à des articles de qualité à des prix abordables, et ce dans le but de se défaire d’articles invendus.

Cette tradition s’est ensuite étendue à d’autres commerces, devenant progressivement un rendez-vous incontournable pour les consommateurs.

Le législateur a commencé à organiser les soldes en déterminant deux périodes, janvier et juillet, dans le seul but d’écouler des stocks invendus à des tarifs en-dessous des prix d’achats. Les Soldes étant la seule période de l’année ou les ventes à perte peuvent être réalisées.

Elles ont profondément influencé les habitudes de consommation des Français entre 1960 et 2000. Les consommateurs attendaient avec impatience ces périodes de réductions pour réaliser des économies sur des articles de mode, de l’électronique, des produits ménagers et bien d’autres. Les soldes ont également encouragé l’émergence de la “fièvre acheteuse”, où les consommateurs se précipitaient dans les magasins dès l’ouverture pour obtenir les meilleures affaires.

Les soldes ont eu un impact significatif sur l’économie française en permettant de soutenir l’activité commerciale, en particulier pendant les périodes de ralentissement économique. Cela a également stimulé l’emploi dans le secteur du commerce de détail, avec la nécessité de renforcer les effectifs pour faire face à l’afflux des clients.

L’émergence d’Internet a révolutionné le paysage des soldes en offrant une nouvelle plateforme pour les commerçants et les consommateurs. Toutefois, jusqu’en 2018, les sites internet ont été confrontés à des défis majeurs lors de l’organisation des soldes, en raison de l’énorme afflux d’internautes et des problèmes techniques qui en ont résulté.

Au cours de cette période, le nombre d’internautes a connu une croissance exponentielle. De plus en plus de consommateurs ont choisi de faire leurs achats en ligne, attirés par la praticité et la possibilité de trouver des offres avantageuses. Cependant, cette affluence massive a posé des défis aux sites internet lors des périodes de soldes, car ils n’étaient pas préparés à gérer un si grand nombre de connexions simultanées.

Cet afflux massif d’internautes en quelques minute a souvent entraîné des problèmes techniques importants pour les sites internet. Les serveurs ont été surchargés, ce qui a provoqué des ralentissements et des plantages de sites. Les consommateurs ont été confrontés à des pages qui ne se chargeaient pas, à des erreurs de connexion et à des problèmes de paiement. Ces incidents ont entraîné une expérience utilisateur médiocre et une perte de ventes pour les commerçants.

Ces difficultés ont mis en évidence l’importance cruciale de disposer d’une infrastructure technique solide et évolutive. Les commerçants ont dû investir dans des serveurs puissants, des capacités de

bande passante accrues et des systèmes de gestion de trafic pour faire face à l’afflux massif d’internautes. L’investissement nécessaire pour sécuriser quelques heures dans l’année est néanmoins sans commune mesure par rapport aux gains réalisés par certains sites.

Ces cinq dernières années, les soldes ont connu un déclin progressif en raison de l’émergence des promotions permanentes, notamment par des géants du commerce en ligne, mais aussi des petits prix pratiqués par des géant comme AliExpress et les acteurs de la Fast Fashion, sans parler de la popularité croissante des ventes entre particuliers de produits d’occasion.

Aujourd’hui, les Soldes ne sont plus une période suffisamment attractive pour faire venir de nouveaux clients, et sont souvent source de frustration pour eux. Les enseignes qui ne proposent pas de nouveaux produits durant ces périodes voient leurs clients attirés par la fast fashion.

Preuve de la perte d’engouement, le législateur a abrogé cette année les dispositions qui décalaient les soldes dans certains départements compte tenu de zones de congés (Alpes-Maritimes) ou de proximité avec des marchés étranger (Nord-est).

D’ailleurs, les enseignes ne fabriquent plus spécifiquement pour cette période et surtout les politiques de stock en juste à temps ou à volumes contrôlés n’offrent plus de produits en nombre suffisant pour alimenter ces périodes.

Le modèles des soldes tel que nous les avons connus est moribond, il faut le réinventer.

Voici quelques pistes que les fédérations du commerce devraient envisagées avec le gouvernement :

  • Des soldes collaboratives : Au lieu de proposer des rabais uniquement sur les produits invendus, les commerçants pourraient collaborer avec d’autres entreprises pour créer des offres groupées. Par exemple, un magasin de vêtements pourrait s’associer avec un salon de beauté pour offrir des forfaits combinés à prix réduit, attirant ainsi une clientèle plus large.
  • Des soldes solidaires : Les commerçants pourraient consacrer une partie des revenus générés pendant les soldes à des causes sociales ou environnementales. Cela permettrait non seulement d’attirer les consommateurs soucieux de ces enjeux, mais aussi de contribuer positivement à la société.
  • Des soldes éphémères : Au lieu de se limiter à des périodes spécifiques, les soldes pourraient être organisés de manière plus fréquente mais sur une durée limitée, par exemple une journée tous les mois. Cela créerait un sentiment d’urgence et d’exclusivité pour les consommateurs, incitant à l’achat.
  • Des soldes personnalisées : Les commerçants pourraient proposer des soldes adaptées aux préférences et aux habitudes d’achat de chaque consommateur. Grâce à l’analyse des données et à la personnalisation, les offres promotionnelles seraient plus ciblées et pertinentes, augmentant ainsi les chances de conversion.
  • Des soldes expérientielles : Au lieu de se concentrer uniquement sur les réductions de prix, les commerçants pourraient offrir des expériences de loisirs uniques aux consommateurs pendant les soldes. Cela pourrait inclure des animations, des démonstrations, des ateliers ou des événements spéciaux, créant ainsi une atmosphère festive et engageante.
  • Des soldes éthiques : Les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par l’origine et les conditions de fabrication des produits. Les commerçants pourraient mettre en avant des soldes

sur des produits respectueux de l’éthique, tels que des produits biologiques, équitables ou durables, répondant ainsi aux valeurs et aux préoccupations des consommateurs.

Les centaines de clients attendant l’ouverture des portes de la surface de vente et se précipitant en meute compacte pour s’arracher les produits les mieux soldés ont disparus, les nouveaux modes de consommation ont désormais remplacé les soldes mythiques.